alt03 septembre 2019 - Les patients co-infectés par les virus de l'hépatite C (VHC) et le VIH souffrent d'un taux de mortalité toujours élevé, malgré les traitements anti-VHC disponibles depuis plusieurs années dans de nombreux pays. C'est pourquoi Patrizia Carrieri, chercheuse Inserm au sein du laboratoire « Sciences Economiques & Sociales de la Santé & Traitement de l’Information Médicale » (SESSTIM, Aix-Marseille Université/Inserm/IRD), et son équipe se sont intéressés à différents facteurs capables d'influer sur la mortalité liée au VHC. Dans une étude soutenue par l'ANRS et parue récemment dans AIDS and Behavior, les chercheurs ont étudié les 77 décès ayant eu lieu parmi les 1028 patients de la cohorte ANRS CO13 HEPAVIH (cohorte de patients co-infectés par le VIH et le VHC en France) sur une durée de cinq ans. Les résultats de ce travail s'inscrivent dans la continuité des données présentées par la même équipe en 2017 à la conférence organisée par l’International AIDS Society (IAS) et l’ANRS à Paris. Dans le présent travail, les auteurs observent que la consommation régulière de cannabis et la consommation élevée de café sont respectivement associées à une division par près de quatre et de trois du taux de mortalité associé à l'hépatite C. A l'inverse, le tabagisme est associé à une multiplication par 3,5 de ce taux.

Si les différents médicaments antiviraux ou antirétroviraux permettent aujourd'hui de contrôler le VIH et de guérir de l'hépatite C, les patients co-infectés par ces deux virus ont un risque accru de complications liées au virus de l’hépatite C (VHC), comme la cirrhose décompensée, principale cause de décès de cette population. En effet, d'une part la co-infection par le VIH diminue la réponse au traitement anti VHC, et d'autre part elle cause une progression plus rapide vers une maladie chronique du foie.

Les travaux de Patrizia Carrieri et de son équipe portent sur l’observation de l’effet de certains comportements (consommation de café, tabagisme et consommation de cannabis notamment) sur la mortalité liée au VHC, chez les personnes co-infectées.

Ce travail a été mené en analysant les données de 1028 patients suivis dans la cohorte ANRS CO13 HEPAVIH (cf. ci-dessous) pendant cinq ans. Au cours de cette période, 77 décès sont survenus, dont 33 liés au VHC.

La cohorte ANRS CO13 HEPAVIH

Initiée en 2005, la cohorte ANRS CO13 HEPAVIH a inclus 1 859 patients co-infectés par le VIH et le virus de l’hépatite C (VHC) et pris en charge en France. Cette cohorte vise à préciser l’histoire naturelle de la co-infection et à mieux comprendre les interactions entre les deux virus et leurs traitements. La cohorte a ainsi permis de recueillir un ensemble de données très riches sur la co-infection VIH/VHC et sa prise en charge à l’ère des traitements à action directe sur le VHC (AAD). Investigateurs coordonnateurs : Dominique. Salmon, Philippe. Sogni, Linda Wittkop.

Les résultats de ce travail s'inscrivent dans la continuité des données présentées par la même équipe en juillet 2017 à la conférence organisée par l’International AIDS Society (IAS) et l’ANRS à Paris sur les effets protecteurs de la consommation de café et de cannabis sur le foie. Ainsi, les chercheurs confirment par cette publication que les consommateurs réguliers de cannabis ont une réduction du taux de mortalité lié au VHC de près de 70% par rapport aux autres. Les consommateurs de trois tasses de café et plus par jour bénéficient d'un taux de mortalité lié au VHC réduit de 60% par rapport à ceux qui en boivent moins (figure ci-dessous). L'action de ces deux substances pourrait être liée à leurs effets antioxydants et anti-inflammatoires qui réduisent les dommages du foie.

Deux autres facteurs de risque majeurs sont d'une part le tabagisme, les fumeurs de tabac présentant un taux de mortalité trois fois et demi plus élevé que les non-fumeurs, et d'autre part l’obésité, qui est associée à un risque deux fois et demi plus élevé que les patients présentant un poids normal.

Les chercheurs concluent que des changements de comportements et styles de vie - en particulier pour l’arrêt du tabac - seraient à même de réduire la mortalité liée au VHC, et que des interventions sociales pourraient faciliter ces changements. A présent, « Il serait nécessaire d’évaluer l’intérêt des pharmacothérapies dérivées du cannabis, pour estimer de façon plus précise leurs effets et bénéfices pour les patients vivant avec le VIH et/ou l’hépatite C », précisent-ils.

Source:

HCV-Related Mortality Among HIV/HCV Co-infected Patients: The Importance of Behaviors in the HCV Cure Era (ANRS CO13 HEPAVIH Cohort)

Melina Erica Santos1,2,3 · Camelia Protopopescu2,3 · Philippe Sogni4,5,6 · Issifou Yaya2,3 · Lionel Piroth7,8 · François Bailly9,10 · Fabienne Marcellin2,3 · Laure Esterle11 · Linda Wittkop11,12 · Eric Rosenthal13,14 · Philippe Morlat15 · Perrine Roux2,3 · Wildo Navegantes de Araujo16 · Dominique SalmonCeron6,17 · Maria Patrizia Carrieri2,3 · the ANRS CO13 HEPAVIH Study Group

1 Faculdade de Ciências da Saúde, Universidade de Brasília, Brasília, Brazil

2 INSERM, IRD, SESSTIM, Sciences Economiques, & Sociales de la Santé & Traitement de l’Information Médicale, Aix Marseille Université, Marseille, France

3 Observatoire régional de la santé Provence-Alpes-Côte d’Azur, ORS PACA, Marseille, France

4 Service d’Hépatologie, Hôpital Cochin, AP-HP, Paris, France

5 INSERM U-1223, Institut Pasteur, Paris, France

6 Université Paris Descartes - Sorbonne Paris Cité, Paris, France

7 Département d’Infectiologie, CHU de Dijon, Dijon, France

8 INSERM - CIC 1342, Université de Bourgogne, Dijon, France

9 Service d’Hépatologie et Gastroentérologie, Hôpital de la Croix-Rousse, Lyon, France

10 INSERM U1052, Centre de Recherche en Cancérologie de Lyon, Lyon, France

11 Bordeaux Population Health Research Center, INSERM U1219, CIC-EC 1401, Univ. Bordeaux - ISPED, Bordeaux, France

12 Service d’information médicale, CHU de Bordeaux, Bordeaux, France

13 Service de Médecine Interne, Hôpital l’Archet, CHU de Nice, Nice, France

14 LAMHESS, Université de Nice-Sophia Antipolis, Nice, France

15 Service de Médecine Interne et Maladies Infectieuses, CHU de Bordeaux, Bordeaux, France

16 Faculdade UnB Ceilândia, Universidade de Brasília, Brasília, Brazil

17 Service de Maladies Infectieuses et Tropicales, Hôpital Cochin, AP-HP, Paris, France

DOI : https://doi.org/10.1007/s10461-019-02585-7