Berlin – Genève – Partout dans le monde, les gouvernements bataillent pour financer les soins de santé. Du fait du vieillissement de la population, de plus en plus de gens souffrent de maladies chroniques et, avec l’apparition de nouveaux traitements plus chers, les coûts de la santé flambent.

Même dans les pays où les services de santé étaient traditionnellement accessibles et d’un coût abordable, les mécanismes de financement ont de plus en plus de mal à faire face aux besoins. Et, dans les pays où le financement de la santé est en grande partie assuré par la facturation des soins aux usagers eux-mêmes, les frais de santé acculent chaque année 100 millions de personnes à la pauvreté.

Le Rapport sur la santé dans le monde, 2010 donne aux gouvernements des conseils pratiques sur la manière de financer les soins de santé. Sur la base de données collectées dans le monde entier, il montre comment tous les pays riches et pauvres peuvent ajuster leurs mécanismes de financement de la santé pour permettre à davantage de gens d’accéder aux soins de santé dont ils ont besoin. Il encourage la communauté internationale à appuyer les efforts déployés par les pays à revenu faible et intermédiaire pour accroître la couverture sanitaire de leur population.

« Nul ne devrait être acculé à la ruine pour se procurer les soins de santé dont il a besoin », a déclaré le Dr Margaret Chan, Directeur général de l’OMS. « Le Rapport suggère une approche par étapes ; nous encourageons chaque pays à suivre cette méthode et à faire au moins une chose pour améliorer le financement de la santé et accroître la couverture sanitaire au cours de l’année qui vient. »

L’OMS distingue trois grands domaines d’action qui pourraient permettre de faire changer les choses : il faudrait mobiliser davantage de fonds pour la santé, mobiliser ces fonds de manière plus équitable et dépenser l’argent plus efficacement.

Mobiliser davantage de fonds pour la santé

Dans bien des cas, les gouvernements pourraient allouer davantage d’argent à la santé. En 2000, les chefs d’État des pays africains s’étaient engagés à affecter 15 % du budget de la nation à la santé. Depuis lors, trois pays (le Libéria, le Rwanda et la République-Unie de Tanzanie) ont atteint cet objectif. Si les gouvernements des 49 pays les plus pauvres de la planète allouaient chacun 15 % de leur budget national à la santé, ils pourraient mobiliser US $15 milliards supplémentaires par an, c’est-à-dire pratiquement doubler les fonds disponibles.

Ces pays pourraient aussi dégager davantage d’argent pour la santé en adoptant un système plus efficace de prélèvements fiscaux, comme l’a fait par exemple l’Indonésie, qui a augmenté ses recettes de 10 points de pourcentage. Ils pourraient aussi trouver de nouvelles sources de recettes fiscales, par exemple en imposant des taxes sur les ventes et sur les transactions financières. Ainsi, le Ghana a financé en partie son assurance-maladie nationale en augmentant de 2,5 % la taxe à la valeur ajoutée (TVA). Une étude des 22 pays à faible revenu a montré qu’ils pourraient à eux tous réunir US $1,42 milliard supplémentaire en augmentant de 50 % la taxe sur le tabac. L’Inde pourrait mobiliser US $370 millions par an en appliquant simplement une taxe de 0,005 % sur les transactions en devises.

La communauté internationale a un rôle central à jouer à cet égard. Il faut compter en moyenne US $44 par habitant pour assurer l’accès ne serait-ce qu’à un minimum de services de santé de qualité dans les pays à faible revenu. Beaucoup de ces pays bataillent pour y parvenir. Aujourd’hui, 31 pays dépensent moins de US $35 par personne pour la santé. Si tous les donateurs suivaient l’exemple du Gouvernement de la Norvège et d’autres pays qui ont tenu leur promesse d’allouer 0,7 % de leur PIB à l’aide publique au développement, on pourrait sauver trois millions de vies supplémentaires dans les pays à faible revenu d’ici 2015.

Mobiliser les fonds de manière plus équitable

Cela veut dire qu’il faut supprimer les principaux obstacles financiers à l’accès aux soins. Des pays comme le Japon qui parviennent à garantir l’accès aux services de santé à l’ensemble de leur population l’ont fait en réduisant la dépendance du système à l’égard du financement direct par les patients et en augmentant le niveau des prépaiements – généralement par le biais d’assurances ou de taxes ou d’un panachage des deux. Les fonds ainsi dégagés sont mis en commun, ce qui permet d’éviter que ceux qui ont la malchance de tomber malades soient les seuls à en supporter la charge financière. C’est aussi le modèle utilisé dans de nombreux pays européens, et le Chili, la Colombie, le Mexique, le Rwanda, la Thaïlande et la Turquie ont également réalisé des progrès importants à cet égard au cours de la dernière décennie, de même que le Brésil, la Chine, le Costa Rica, le Ghana, le Kirghizistan et la République de Moldova.

Dépenser l’argent plus efficacement

En dépensant l’argent plus intelligemment, on pourrait accroître la couverture sanitaire à l’échelle mondiale de quelque 20 à 40 %. Le Rapport recense 10 domaines dans lesquels on pourrait améliorer l’efficacité. L’un est l’achat de médicaments. La France a adopté une stratégie consistant à utiliser autant que possible des médicaments génériques, ce qui a permis d’économiser l’équivalent de près de US $2 milliards en 2008. Les soins hospitaliers constituent une autre piste : ils absorbent souvent entre la moitié et les deux tiers des dépenses publiques totales pour la santé, et près de US $300 milliards sont gaspillés chaque année en raison du manque d’efficacité à ce niveau. Une gestion plus efficace des dépenses hospitalières pourrait se traduire par un gain de productivité de 15 %.

La communauté internationale a un rôle central à jouer dans l’amélioration de l’efficacité. Cinq ans après la Déclaration de Paris sur l’efficacité de l’aide axée sur les programmes de pays, plus de 140 initiatives mondiales en faveur de la santé sont actuellement poursuivies en parallèle, imposant aux gouvernements bénéficiaires des charges logistiques et des obligations de présentation de rapports qui grèvent encore leurs faibles ressources. Le Gouvernement du Rwanda, par exemple, transmet actuellement des données sur plus de 890 indicateurs sanitaires – ce qui prend évidemment énormément de temps.

L’avenir

Le 22 novembre, l’OMS présentera le rapport à une conférence ministérielle sur le financement de la santé, qui sera accueillie par le Gouvernement de l’Allemagne. L’Organisation et ses partenaires lanceront ensuite un programme destiné à aider les pays à réexaminer leurs systèmes et stratégies de financement de la santé ainsi que leurs politiques et plans nationaux de santé. Cette conférence encouragera et facilitera les échanges de données d’expérience entre les pays et aidera les pays à ajuster leurs systèmes de financement afin que davantage de gens aient accès aux services de santé dont ils ont besoin.