altLa naissance à tous prix : santé, rentabilité, enjeux de société : la table ronde organisée par le CALM le mercredi 23 mai 2012, à l’occasion de la SMAR, Semaine Mondiale pour l'Accouchement Respecté, a été encore une fois un succès !

Plus de 80 personnes sont venues écouter 6 intervenants issus d’horizons variés, débattre des liens entretenus entre naissance et argent en France. Les intervenants ont commencé par souligner la complexité du système de financement de la santé en France, engageant de multiples acteurs et institutions dans lesquels le prescripteur n’est pas le consommateur.

Bernard Teper, économiste de la santé, a établi un état des lieux du système de financement des soins français, rappelant en préambule la définition de la santé donnée par l'OMS en 1946:
« la santé n'est pas une absence de maladie ou une absence d'invalidité, mais c'est un état de bienêtre physique social et moral ». Selon cette définition, la santé va donc au‐delà du seul soin.
Or aujourd’hui, les professionnels de santé sont appelés à être à la fois soignants et gestionnaires. La loi de tarification à l’acte ‐ connue sous le nom de T2A ‐ a amplifié cette exigence de rentabilité. Francis Puech, président du Collège National des Gynécologues Obstétriciens de France, affirme que “la tarification à l'activité a rétracté les maternités sur leur budget personnel. Il faut que les maternités soient à l'équilibre donc il leur faut faire du chiffre”, ce qui a “dévoyé la régionalisation et le travail en réseau qui commençaient à être mis en place”.

altAussi, cette loi rémunère seulement l’acte technique, et ce faisant, ne prend pas en compte l’accompagnement humain. Madeleine Santraine, sage‐femme, souligne que la T2A: « ne prend pas en compte  l'accompagnement, l'information, la présence auprès des couples, l'écoute : soit tout ce qui représente l'aspect humain. Si cet aspect humain n'est pas valorisé financièrement, cela n'engage pas les soignants à le développer ». Par ailleurs, le coût d’un suivi peut vite augmenter car « il y a des pratiques systématiques : on ne se pose pas la question, on ne prend pas le temps de la réflexion ».

En dénonçant les politiques de rentabilité des maternités, Paul Cesbron, gynécologue obstétricien, précise que « la concentration des lieux de naissance a induit une conception industrielle de la naissance, porteuse d’iatrogénie (...) facteur de dégradation des soins (...) de l’éloignement des soignants face à ceux qu’ils accompagnent ».

Willy Belhassen, sage femme libéral, rappelle que « dans les pays nordiques, la nécessité est qu’une sage‐femme s'occupe d'une salle et d'une patiente en travail ». Le slogan « Une femme, une sage femme” y est en vigueur. Pour lui, l’accompagnement global à la naissance1 permet

1 L’accompagnement global à la naissance est une pratique de suivi de grossesse qui associe une femme (un couple) et une seule et même sage‐femme du début de la grossesse à la fin du post‐partum.

« d’être à l'essence même du métier de sage‐femme : suivre la grossesse, la naissance, l’accueil du petit humain dans les meilleures conditions ». Sa pratique lui permet de « conserver la dimension d'humanité et ne pas s'effacer derrière les technologies qui doivent rester à notre service ».

Alors que le plan périnatalité 2005‐2007 préconisait la diversification de l’offre de soins, les usagers qui choisissent aujourd’hui un suivi hors hôpital doivent prendre en charge financièrement son coût : en effet, l’accompagnement global à la naissance, s’il repose essentiellement sur l’accompagnement humain, est mal côté, et donc très mal remboursé.

Gilles Gaebel, représentant des usagers et membre du CIANE, a dit le « mécontentement des usagers lié à ces évolutions », et assure qu’aujourd'hui le CIANE est « porteur d'une demande concernant les maisons de naissance, qui participent au choix des personnes » d’autant que « dans les pays voisins les couples ont accès à ce choix ». Il remarque qu’il est difficile d’estimer le coût réel d’un Accompagnement Global à la Naissance en maison de naissance, puisque les conditions et structures diffèrent entre les pays. Cependant, selon les pays voisins, ce type d’accompagnement serait moins cher que la prise en charge d’une grossesse et d’un accouchement normal en maternité. Pour lui, « prendre conscience de la demande de choix faite par les usagers participerait en plus au besoin d'économies ».

Le professeur Puech reconnaît qu’au nom de la sécurité, la norme du “suivi de grossesse est devenue celle de la pathologie, et que dans ces conditions « il y a des améliorations à apporter ».

Il a remercié le CIANE, « association d'utilité publique, de faire entendre les souhaits des usagers, ce qui permet de faire évoluer les pratiques des gynécologues‐obstétriciens ». Optimiste, Francis Puech promet qu’un « plus grand respect de la physiologie est en marche », quant à l'expérimentation des maisons de naissance, pour lui, « l’idée est acquise ».

Le débat s’est clos par une demande unanime de la part des intervenants pour qu’il y ait une expérimentation des maisons de naissance françaises, qui permettrait d’évaluer réellement les coûts d’un accompagnement respectueux à la naissance.


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De gauche à droite : Francis Puech, Gilles Gaebel, Madeleine Santraine, Paul Cesbron, Willy Belhassem et Bernard Teper le 23 mai 2012 pendant le débat organisé par le CALM.

Le CALM- Association pour la Maison de Naissance des Bluets (www.mdncalm.org) est une association d’usagers et de sages-femmes qui militent pour l’ouverture des maisons de naissance en France et soutiennent la profession de sage-femme. Au CALM, les sages-femmes proposent à des couples un Accompagnement Global à la Naissance, en partenariat avec la Maternité des Bluets. Le CALM est membre du Collectif maisons de naissance (http://maisonsdenaissance.wordpress.com/), et adhérent du CIANE, le Collectif Inter associatif Autour de la Naissance (http://ciane.net).