| 14 Juin 2018
La famille de virus géants pandoravirus s'enrichit de  trois nouveaux membres, isolés par des chercheurs du laboratoire  Information génomique et structurale (CNRS/Aix‐Marseille Université),  associés au laboratoire Biologie à grande échelle (CEA/Inserm/Université  Grenoble‐Alpes) et au CEA-Genoscope. Lors de sa découverte1, cette famille de virus avait étonné par son étrangeté – génomes géants, nombreux gènes sans équivalent connu. Dans Nature Communications le 11 juin 2018, les chercheurs proposent une explication : les  pandoravirus seraient des fabriques à nouveaux gènes – et donc à  nouvelles fonctions. De phénomènes de foire à innovateurs de  l'évolution, les virus géants continuent de secouer les branches de  l'arbre de la vie !
En 2013, la découverte de deux virus géants ne ressemblant à  rien de connu brouillait la frontière entre monde viral et monde  cellulaire1. Ces pandoravirus sont aussi grands que des  bactéries et dotés de génomes plus complexes que ceux de certains  organismes eucaryotes2. Mais leur étrangeté – une forme inédite d'amphore, un génome énorme3 et atypique – posait aussi la question de leur origine. 
La  même équipe a depuis isolé trois nouveaux membres de la famille à  Marseille, Nouméa et Melbourne. Avec un autre virus trouvé en Allemagne,  cela fait désormais six cas connus que l'équipe a comparés par  différentes approches. Ces analyses montrent que, malgré une forme et un  fonctionnement très similaires, ils ne partageant que la moitié de  leurs gènes codant pour des protéines. Or, les membres d'une même  famille ont généralement bien plus de gènes en commun…
De plus,  ces nouveaux membres de la famille possèdent un grand nombre de gènes  orphelins, c'est‐à‐dire codant pour des protéines sans équivalent dans  le reste du monde vivant (c'était déjà le cas pour les deux premiers  pandoravirus découverts). Cette caractéristique inexpliquée est au cœur  de tous les débats sur l'origine des virus. Mais ce qui a le plus étonné  les chercheurs, c'est que ces gènes orphelins sont différents d'un  pandoravirus à l'autre, rendant de plus en plus improbable qu'ils aient  été hérités d'un ancêtre commun à toute la famille !
Analysés par  différentes méthodes bioinformatiques, ces gènes orphelins se sont  révélés très semblables aux régions non‐codantes (ou intergéniques) du  génome des pandoravirus. Face à ces constats, un seul scénario pourrait  expliquer à la fois la taille gigantesque des génomes des pandoravirus,  leur diversité et leur grande proportion de gènes orphelins : une grande  partie des gènes de ces virus naîtrait spontanément et au hasard dans  les régions intergéniques. Des gènes « apparaissent » donc à des  endroits différents d'une souche à l'autre, ce qui explique leur  caractère unique.
Si elle est avérée, cette hypothèse  révolutionnaire ferait des virus géants des artisans de la créativité  génétique, qui est un élément central, mais encore mal expliqué, de  toutes les conceptions de l'origine de la vie et de son évolution.
Ces  recherches ont bénéficié, entre autres, d'un financement de la  Fondation Bettencourt Schueller à Chantal Abergel, lauréate 2014 du prix  « Coup d'élan pour la recherche française ».
Notes :
1 Communiqué de presse du 18 juillet 2013 : Consulter le site web 
 2 Organismes dont les cellules sont dotées de noyaux,  contrairement aux deux autres règnes du vivant, les bactéries et les  archées.
 3 Jusqu'à 2,7 millions de bases.









