Pour enrayer les pandémies, les messages de santé publique doivent être orientés sur leurs conséquences potentielles. Le fait d’appeler les individus à réfléchir aux impacts potentiellement préjudiciables de leurs actes peut les amener à faire preuve de prudence et à adopter ainsi des conduites favorables au bien-être d’autrui

Juillet 2018. Si l'on en croit les résultats d’une nouvelle étude publiée conjointement par la City University of London, l’Oxford Martin School (Université d’Oxford) et l’Université Yale, le choix de messages de santé publique insistant sur les conséquences de nos actes (par exemple, sur l’impact potentiellement négatif de la contamination d’un collègue par un rhume, et non sur la probabilité que nous avons de l’infecter si nous décidons d’abord d’aller au travail) pourrait avoir des répercussions non négligeables sur notre façon d’appréhender les menaces globales.

D’incertitudes, notre vie sociale en est remplie dès lors que l’on évalue les conséquences de nos choix sur les autres personnes. Si les recherches antérieures laissaient jusque-là penser que l’incertitude se traduisait nécessairement par des décisions et des actions égoïstes, la nouvelle étude tire pour la première fois la conclusion inverse : les situations incertaines n’induisent pas forcément un comportement égoïste. Le fait d’appeler les individus à réfléchir aux impacts potentiellement néfastes de leurs actes les amènerait ainsi parfois à se conduire prudemment. L’article étayant cette démonstration est publié dans Nature Human Behaviour.

S’agissant des décisions sociales, l’incertitude à laquelle nous faisons face est perçue différemment selon qu’elle porte sur l’issue de nos décisions (on parle alors d’«incertitude du résultat») ou sur l’impact du résultat sur les autres personnes (elle est alors qualifiée d’«incertitude de l’impact»).

Les chercheurs ont établi qu’en diffusant un message privilégiant l’incertitude de l’impact à l’incertitude du résultat, les participants se déclaraient plus enclins à se comporter d’une manière contribuant à éviter la propagation d’une maladie infectieuse. Au-delà de l’intérêt que revêtent naturellement ces conclusions pour la lutte contre les menaces globales, cette découverte devrait permettre aux responsables de la santé publique, et plus généralement aux décideurs, d’inciter les citoyens à prendre des décisions moins égoïstes lorsqu’ils se trouvent dans cette situation.

Pour savoir comment les gens réagissent à l’incertitude de l’impact et à l’incertitude du résultat, les chercheurs se sont livrés à une série d’expériences au cours desquelles ils ont transmis aux participants des informations différentes sur les personnes risquant d’être affectées par leurs décisions. Les observations donnent à penser que l’incertitude du résultat fait naître des scénarios autocentrés laissant croire aux individus que leurs actes ont très peu de chances de nuire à une autre personne et, par conséquent, qu’ils peuvent récolter les fruits d’actions intéressées sans éprouver d’égoïsme. Or ces scénarios autocentrés sont susceptibles d’engendrer une conduite égoïste, car ils amènent les individus à minimiser l’importance des coûts sociaux potentiels de leurs actions intéressés.

Par contre, les conclusions laissent penser qu’en stimulant la construction de scénarios centrés sur autrui intégrant les coûts sociaux potentiels, l’incertitude de l’impact encourage les participants à adopter des comportements sauvegardant le bien-être de leurs congénères. Dans ce schéma, la narration peut, dans certaines circonstances, apporter une réponse aux préoccupations associées à l’image que se renvoient les individus à eux-mêmes (qui d’autre qu’un être vraiment malveillant prendrait en effet le risque d’infecter l’un de ses semblables, vulnérable ?).

Andreas Kappes, chercheur au Département de Psychologie de la City University of London et auteur principal de l’étude, revient sur les bénéfices mis au jour :

«L’incertitude entourant la façon dont nos choix affectent les autres occupe une place fondamentale dans notre vie de tous les jours, et nous sommes d’ailleurs nous-mêmes fréquemment confrontés aux effets des décisions prises par autrui. Ce que nous avons mis en évidence dans notre étude, c’est que, confrontés à l’incertitude, nous ne sommes pas nécessairement poussés à nous comporter égoïstement : l’issue dépend en fait de la nature de l’incertitude.»

«Nos conclusions suggèrent que, lorsque les gens prennent en compte l’impact de leurs actes dans ces situations incertaines, par exemple le mal qu’ils peuvent causer en passant leur rhume ou leur grippe, ils peuvent être amenés à opter pour la prudence. Là où nos découvertes changent en définitive la donne, c’est dans les modalités de communication de l’incertitude au public, notamment si le comportement préservant le bien-être des autres individus est primordial, comme dans le cas des maladies infectieuses.»

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