altMonsieur le Président,

Monsieur le Président de la Commission des Affaires
sociales (Pierre Méhaignerie),
Monsieur le Rapporteur (Guy Lefrand),
Mesdames et Messieurs les Députés,

Le texte réformant la loi relative aux droits et à la protection des personnes hospitalisées en raison de troubles mentaux et à leur conditions d'hospitalisation, du 27 juin 1990, revient vers vous aujourd’hui en 3ème lecture.

Au cours de vos deux premières lectures, vous avez approuvé les dispositions essentielles de ce projet de loi, projet que vous avez également su compléter au bénéfice de nos concitoyens. C’est dans le même sens qu’a travaillé le Sénat, et le Gouvernement ne peut que saluer la convergence entre vos deux assemblées. La psychiatrie a besoin de débats, elle a aussi besoin de consensus, et les travaux parlementaire ont pleinement répondu à ces deux exigences.
Un nouveau passage devant votre assemblée est néanmoins nécessaire, afin que vous puissiez examiner la réponse à la question prioritaire de constitutionnalité rendue par le Conseil constitutionnel le 9 juin dernier.

Dans cette décision, le Conseil Constitutionnel a indiqué que l’hospitalisation d’office prévue dans la loi de 1990 ne pouvait être maintenue au-delà de quinze jours sans intervention d’une juridiction de l’ordre judiciaire. Cette décision est similaire à celle qu’il a prise en novembre dernier au sujet des personnes hospitalisées à la demande d’un tiers. Sur ce point, le texte que vous avez examiné jusqu’à présent est donc tout à fait conforme à notre Constitution.

Pour autant, dans sa décision du 9 juin, le Conseil constitutionnel a relevé un point supplémentaire, qui justifie un complément d’examen.
Il a en effet relevé que la loi de 1990 présente un manque, puisque, contrairement à l’hospitalisation à la demande d’un tiers, si le certificat médical établi dans les 24 heures suivant l’admission en hospitalisation d’office ne confirme pas que l’intéressé a besoin de cette prise en charge, il n’est pas prévu de ré examiner la situation de la personne. Le Conseil constitutionnel a jugé qu’en l’absence d’un tel réexamen, susceptible de confirmer que l’hospitalisation n’est plus nécessaire, notre droit n’assure pas que  l’hospitalisation d’office est réservée aux cas pour lesquels elle est strictement prévue. Je vous rappelle en effet qu’une telle mesure doit être adaptée, nécessaire et proportionnée à l’état du malade ainsi qu’à la sûreté des personnes ou la préservation de l’ordre public.
Le Conseil a donc déclaré contraire à la Constitution l’ensemble de l’article L. 3213-1 du code de la santé publique, et a fixé au 1er août 2011 la prise d’effet de la déclaration
d’inconstitutionnalité.

Le gouvernement entend donc préciser ce point, et a porté au Sénat un amendement à ce sujet. Il s’agit de l’article additionnel 3bis qui vous est présenté aujourd’hui.
Le gouvernement souhaite que le caractère central de l’examen médical ait une portée générale et qu’ainsi, à tout moment au cours d’une hospitalisation complète d’office (et pas seulement à l’entrée), le préfet mette fin à la mesure, ou la transforme en forme alternative à l’hospitalisation complète, dès lors qu’il en reçoit la demande par le psychiatre de l’établissement, et que cette demande est confirmée par un deuxième avis.

Le gouvernement souhaite également étendre ce principe aux personnes hospitalisées pour irresponsabilité pénale et aux personnes soignées en unité pour malades difficiles, dans le respect des procédures particulières de sortie prévues par le projet de loi.
De telles dispositions complètent le principe de saisine automatique du JLD, déjà prévu dans le texte, lorsque le psychiatre propose la fin de la mesure sous forme
d’hospitalisation complète (ce que l’on a appelé une « sortie sèche »), et que le préfet ne suit pas cette avis.

L’articulation entre les deux principes permettra donc :
- lorsque les deux avis médicaux sont concordants pour une sortie, celle-ci sera ordonnée par le préfet
- lorsque les deux avis médicaux sont divergents, c'est-à-dire lorsque la proposition de sortie émise par le psychiatre n’est pas confirmée par son confrère, alors, si le préfet n’ordonne pas la sortie, la situation est soumise au contrôle systématique du JLD.

Par ailleurs, est soumis à votre nouvel examen l’article 6, relatif à l’organisation géographique. Votre assemblée a veillé en première lecture, grâce au travail de votre rapporteur, à rappeler la responsabilité géographique qui s’attache à la mission de service public dévolue aux établissements, au rôle des ARS, et à l’organisation des établissements qui découle de ce principe essentiel.

Le code de la santé public prévoit je vous le rappelle que chaque établissement autorisé en psychiatrie et participant à la lutte contre les maladies mentales est responsable de celle-ci dans les secteurs psychiatriques qui lui sont rattachés.
Le Sénat a donc tenu à confirmer que les projets d’établissement des établissements chargés de la mission de service public intègrent les « modalités de coordination avec cette sectorisation psychiatrique ».

Il s’agit d’une précision utile, qui vient une nouvelle fois rappeler l’importance que nous attachons à l’organisation territoriale de notre système de santé. La psychiatrie a été la première à penser cette responsabilité territoriale, et cette conception de la santé publique, que nous avons consacrée dans la loi HPST, lui fait honneur.

Le texte donne donc aujourd’hui la possibilité pour les équipes de psychiatrie de soigner les patients dans la cité. Il comble enfin le vide de l’absence de tiers, qui excluait du soin tant de personnes isolées. Il consacre le caractère sanitaire des mesures de soin et l’apport des équipes pluridisciplinaires. Il stimule la coordination des acteurs locaux et le soutien aux aidants, leviers essentiels pour la qualité des soins. Il facilite l’exercice des droits pour tous, y compris les personnes les plus fragiles.
Pour mettre en oeuvre l’ensemble de ces dispositions législatives, y compris celles que je vous propose d’adopter aujourd’hui en 3ème lecture, les textes réglementaires sont en cours de préparation et de concertation.

Un site internet dédié diffusera à partir de la semaine prochaine plusieurs outils pédagogiques, notamment une foire aux questions qui sera complétée au fur et à mesure, et des fiches de procédures et courriers type.
J’ai demandé que soient organisées deux grandes sessions d’information pour les professionnels, qui se tiendront le 6 juillet, et qui permettront à chacun de mieux se préparer à la mettre en oeuvre.

Mais la psychiatrie n’a pas seulement besoin de mesures législatives et réglementaires. La psychiatrie a besoin de sens.
Les acteurs de terrains sont les mieux placés pour concevoir des dispositifs et mettre en oeuvre des pratiques adaptés aux réalités locales. Mais ces acteurs doivent être éclairés, mobilisés par de grandes orientations définies au plan national, à la définition desquelles ils participent.
Notre pays doit rediscuter des grands objectifs de la psychiatrie, choisir et mettre en oeuvre des axes prioritaires d’amélioration. Vous avez-vous-mêmes témoigné, mesdames et messieurs les Députés, des ambitions de la représentation nationale à ce sujet.

Je veux que ce débat soit un débat de société, qui nous permette dans quelques années de mesurer le chemin que nous aurons collectivement parcouru.

Je veux que les personnes qui entrent dans la maladie soient aidées et soignées plus rapidement qu’aujourd’hui, je veux que les personnes touchées par la maladie mentale
éprouvent moins de ruptures dans leur cheminement thérapeutique, je veux que les personnes victimes d’un épisode d’urgence psychiatrique rencontrent une réponse adaptée en quelqu’endroit qu’elles se trouvent, je veux aussi que, quelque soit leur lieu de vie, nos concitoyens bénéficient d’une qualité des soins d’un niveau équivalent.
C’est avant tout sur ces sujets majeurs que je consacrerai les prochains mois, et c’est donc à travers le plan psychiatrie santé mentale, pour lequel j’ai demandé votre appui monsieur le rapporteur (Guy LEFRAND), que cette construction collective va être menée.
Dès lundi 27 juin, j’installerai le comité national d’orientation de ce plan.

Je veux, qu’à partir d’un diagnostic partagé, de telles orientations soient débattues et élaborées, avec les représentants des usagers, des professionnels, des employeurs, des sociétés savantes.


Mesdames et Messieurs les Députés,

Je salue l’engagement dont vous avez témoigné pour faire évoluer notre droit sur ce sujet si particulier de la maladie mentale.
Sujet d’une grande humanité, d’une grande sensibilité aussi, car la maladie altère parfois le libre-arbitre et éprouve les limites de notre modèle, fondé sur le consentement aux soins.

C’est donc à la fois avec bienveillance, délicatesse et humilité qu’il nous faut incessamment rechercher le juste équilibre entre les besoins du malade, ses droits, ses choix, ceux de ses proches, et les exigences de notre vie en communauté.

Vous avez conduit vos débats dans cet esprit, et cela honore la représentation nationale.

Votre examen aujourd’hui, dans la ligne de vos précédentes lectures, donne l’occasion de parachever ce nouveau dispositif. C’est un dispositif à la fois cohérent avec notre histoire et qui conforte pleinement nos valeurs, pour une psychiatrie du soin, une psychiatrie ouverte et responsable, une psychiatrie résolument tournée vers l’avenir.

Je vous remercie.

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