100.000 personnes (hommes et femmes) en France ignorent qu'elles sont porteuses de cette mutation génétique. au moins 10.000 femmes pourraient être sauvées par une politique de dépistage élargie

L'association BRCA France qui regroupe, à l'instar de l'actrice américaine Angelina Jolie, des femmes porteuses d'une mutation génétique susceptible d'accroître le risque d'un cancer du sein ou des ovaires, demande la mise en place d'un dépistage élargi de la mutation génétique BRCA1 ou BRCA2 au sein de la population.

« Il y a plus de 120.000 personnes en France qui sont porteuses d'une mutation génétique qui les prédisposent à un cancer du sein ou des ovaires. Le dispositif actuel de dépistage mis en place en France a permis d'identifier 20.000 personnes porteuses [1]. En revanche, 100.000 personnes, soit environ 1 sur 500 [2], sont concernées par cette prédisposition et l'ignorent encore. Lorsqu'elles le découvrent, il est souvent trop tard », explique le président scientifique de l'association le Pr Pascal Pujol, onco-généticien au CHU Arnaud de Villeneuve, à Montpellier.

L'enjeu du dépistage figure notamment au cœur des débats du 1er Symposium BRCA France, qui s'est tenu jeudi 13 octobre à Paris, en présence de nombreux spécialistes, médecins, experts et patients, et sous l'égide de la Société française de médecine prédictive et personnalisée (SFMPP), à l'occasion d'Octobre Rose, mois de la prévention du cancer du sein.

Des mutations transmises par voie héréditaire sur les gènes BRCA 1 et BRCA2 prédisposent les femmes porteuses à des risques extrêmement élevés de cancer du sein et des ovaires (en moyenne 70% pour BRCA1 et 50% pour BRCA2, entre l'âge de 60 et 80 ans[3]). Mais la plupart du temps, les femmes ainsi à risque ne sont identifiées qu'une fois un premier diagnostic de cancer intervenu. En effet, leur histoire familiale sur le plan du cancer n'était pas suffisamment fournie pour déclencher une attention particulière et un dépistage chez l'ensemble des membres de cette famille.

« Identifier une femme porteuse uniquement après qu'elle a développé un cancer constitue un échec en matière de prévention. Or la seule connaissance de la présence d'une mutation permet de sauver de façon démontrée la vie d'une personne porteuse sur cinq[4] par la simple mise en place du dépistage et de la prévention », rappelle le Pr Pascal Pujol.

Et de préciser : « En France, l'Institut national du cancer va éditer de nouvelles recommandations. Tous les cancers de l'ovaire, mais aussi certains cas de cancers du sein isolés (c'est-à-dire sans histoire familiale), constituent dès à présent des indications d'analyses. Il est donc urgent en France de pouvoir proposer le test plus largement dans ces situations. Le réseau national des consultations d'oncogénétique permet de donner un conseil pour toutes personnes désireuses d'informations sur ces tests ».

Une perte de chance pour de nombreuses femmes

Pour Noëlle Bastide, fondatrice et présidente de l'association BRCA France, « Trop de femmes subissent aujourd'hui des cancers parce qu'elles sont passées au travers des mailles du filet du dépistage génétique. C'est une perte de chance énorme pour elles. Il est grand temps de mettre en place une prévention exemplaire ».

« Nous souhaitons interpeller les pouvoirs publics pour les inciter à mettre en place des campagnes d'information et de dépistage sur la base du volontariat. Il est important que le test de dépistage de la mutation génétique BRCA1/BRCA2 puisse être proposé au plus de femmes possible. Par exemple, est-ce que toutes les femmes qui ont un cancer du sein ne devraient-elles pas en bénéficier ? Elles doivent pouvoir y avoir accès dans un centre d'oncogénétique. Ce test est relativement coûteux pour la sécurité sociale, environ 2.000 euros, mais si l'on rapporte cela au coût de prise en charge des cancers, le bénéfice en termes de prévention est sans nul doute extrêmement positif », poursuit Noëlle Bastide.

L'association BRCA France est née du désir que des femmes porteuses comme elle de la mutation, puissent se rencontrer et échanger librement, autrement que sur des forums, essentiels mais pas suffisants. Elle souhaite également promouvoir la prévention et la recherche et être un interlocuteur auprès des pouvoirs publics.

Le sujet de la mutation génétique prédisposant au cancer du sein et des ovaires, jusqu'ici un problème de santé relativement méconnu, a été mis sous les projecteurs grâce à la médiatisation de la santé d'Angelina Jolie. Porteuse d'un gène du cancer qui a coûté la vie à sa propre mère, l'actrice américaine a annoncé avoir subi des opérations préventives d'ablation des glandes mammaires et des ovaires. Cet éclairage médiatique a permis de provoquer une prise de conscience salutaire chez un grand nombre de femmes.

« Faut-il anticiper le risque de cancer grâce à la génétique ? Quel traitement privilégier : chirurgie préventive ou surveillance accrue ? Faut-il généraliser le dépistage génétique à toutes les femmes ayant un cancer du sein, voire à toutes les femmes ? Ou le réserver à celles ayant des antécédents familiaux ? Comment diffuser l'information vers la famille et comment le dire aux enfants ? Comment vivre avec un risque génétique connu ? Comment gérer le désir d'enfant face à un risque connu ? Faut-il faire un dépistage pré-implantatoire ? Ce sont autant de questions que les femmes se posent et auxquelles notre association essaie avec l'aide de spécialistes d'apporter des réponses », souligne Noëlle Bastide, qui se réjouit que, peu à peu, des femmes acceptent de témoigner et que les tabous se lèvent.

En revanche, l'un des tabous absolus reste encore la question des hommes atteints d'une mutation BRCA1/BRCA2, déplore la fondatrice de l'association. En effet, une personne sur deux porteuses d'une telle mutation en France est un homme, soit environ 60.000 hommes.

Ajouter un Commentaire


Code de sécurité
Rafraîchir

Vitrines Sociétés

Voir toutes les vitrines