alt3 questions à Roger Caporossi, Vice-président du Syndicat National de l’Enseignement Supérieur en Ostéopathie (SNESO)

Q : le 5 mars 2002 le JO publiait la loi dite « Kouchner », qui reconnaissait officiellement l’enseignement et l’exercice de l’ostéopathie en France. Où en est-on, 10 ans après?

RC : Si, en 2002, Bernard Kouchner avait souhaité reconnaître la profession d’ostéopathe pour pouvoir la réglementer dans l’intérêt de la qualité des soins et du droit des malades, aujourd’hui il est difficile de faire pire où, contrairement à nos voisin européens, sécurité et qualité des soins en ostéopathie sont loin d’être assurées.

En effet, alors que les députés avaient posé les bases d’une véritable profession d’ostéopathe en 2002, les décrets et arrêtés rédigés par la suite en 2007, par les ministres de la santé successifs, n’ont fait que prouver leur méconnaissance totale du dossier et leur incapacité à résister aux différents lobbies corporatistes, au détriment de l’intérêt supérieur des patients. Leur incompétence fut telle qu’au lieu de respecter l’esprit de la loi en favorisant l’émergence, la règlementation et la régulation d’une nouvelle profession, ils ont été les « fossoyeurs » d’une profession de santé reconnue d’utilité publique dans la plupart des pays où l’ostéopathe a un statut.

Résultat dix ans après la loi :

  1. Pléthore d’écoles, pléthore d’ostéopathes, les 3/4 d’ostéopathes trop vite et trop mal formés avec hélas 3/4 des ostéopathes incompétents.
  2. Formation hétérogène comprise entre 300 heures en alternance sur 3 ans et 5000 heures en formation initiale sur 6 ans. Comment un ostéopathe diplômé d’une école du Nord pourrait-il être moins savant et moins compétent qu’un diplômé du Sud ou de l’Ouest de la France ?
  3. L’insécurité des soins est encore accentuée par le manque de lisibilité entre un véritable ostéopathe et un ersatz de l’ostéopathie. Chacun sait que quand on pratique peu on pratique mal. En cas de fracture de jambe aux skis, il ne viendrait à l’esprit de personne de consulter un autre spécialiste qu’un chirurgien orthopédiste qui répare des os et exclusivement des os toute la journée. En fait, la dangerosité de l’ostéopathie est « praticien dépendante ». Un praticien insuffisamment formé ou pratiquant insuffisamment peut donc être potentiellement dangereux pour le patient. Comment donc identifier un véritable ostéopathe, pour le public ?

Q : La France semble être une exception mondiale en ce qui concerne la formation en ostéopathie. Quelle est la situation dans les autres pays ?

RC : Alors que les normes européennes prévoient des études supérieures en trois cycles (Licence-Master-Doctorat), alors que les recommandations de l’OMS en matière de formation des ostéopathes dans le monde sont de 4500 heures minimum avec 1000 heures de pratique clinique sur de vrais patients, les Pouvoirs Publics français n’ont su hélas que rédiger de malheureux décrets instaurant une formation au rabais en 2625 heures minimum sur 3 ans! Alors que l’ostéopathe doit faire son propre diagnostic, alors que l’ostéopathe doit être capable de référer à un autre spécialiste un patient n’entrant pas dans son champ de compétence, alors que l’ostéopathe doit choisir en toute conscience, en toute indépendance et en toute compétence le meilleur traitement pour son patient, la loi française, pour ce faire, a décidé que 3 ans de formation suffisaient.

A titre indicatif, chez nos voisins suisses, l’autorisation d’exercer comme ostéopathe est prononcée après l’obtention d’un diplôme fédéral d’ostéopathe à bac+7. Un Français frontalier avec la Suisse pourrait donc avoir des soins de meilleure qualité de l’autre côté de la frontière. Pourquoi les Français devraient-ils avoir des soins ostéopathiques de qualité inférieure par rapport à leurs voisins européens !

Alors que le ratio mondial est d’une école d’ostéopathie pour 10 millions d’habitants, il devrait donc y avoir en France 6 à 8 établissements de ce type. Une fois encore l’incompétence de nos dirigeants a permis l’existence de 77 établissements sur notre territoire ! Il est hallucinant de penser qu’il puisse exister, en France, plus d’écoles que sur la totalité de la planète ! Les étudiants français ont donc le choix entre tout et n’importe quoi. L’ostéopathie est à la mode… créons vite une école, même si nous n’avons pas d’expérience en la matière. L’ostéopathie est à la mode… inscrivons-nous vite dans n’importe quelle école, de préférence la plus facile et la plus rapide pour avoir un diplôme d’ostéopathe. Hélas le diplôme ne suffit pas. Encore faut-il avoir acquis la compétence.

Que penser d’un médecin affirmant avoir fait sa formation en médecine en huit ans à raison de 6 séminaires de 3 jours de formation de week-end par an ? Existe-t-il, en France, un seul diplôme de santé acquis autrement qu’en formation initiale post-bac ? Alors pourquoi devrait-il en être différent pour l’ostéopathie ?

Q : Le Syndicat National de l’Enseignement Supérieur en Ostéopathie (SNESO), qui regroupe les écoles en ostéopathie « historiques », en 5 ou 6 ans, milite pour une réglementation de la formation. Quelles sont ses revendications ?

RC : Cette profession existe en France depuis 1959. Le Syndicat National de l’Enseignement Supérieur en Ostéopathie (SNESO) réclame légitimement, depuis la promulgation de la loi, un statut professionnel de l’ostéopathe et une règlementation de la formation conforme aux autres pays industrialisés à savoir :

  1. Formation initiale en 4500 heures minimum sur 6 ans minimum répartie, selon les normes européennes, en 3 cycles d’enseignement supérieur post-bac aboutissant à un diplôme de troisième cycle et à la recherche appliquée ;
  2. Formation pratique clinique incluse de 1000 heures minimum en situation professionnelle encadrée, conformément aux recommandations de l’OMS ;
  3. Adoption d’un référentiel métier pour la formation et l’exercice de l’ostéopathie
  4. Création d’un Haut Conseil de l’Ostéopathie avec des représentants de l’exercice professionnel et de la formation, désignés par les instances professionnelles représentatives ;
  5. Création d’une Commission Nationale d’Agrément des établissements de formation au sein du Haut Conseil de l’Ostéopathie et processus d’agrément après audit et respect d’un cahier des charges validé par le Haut Conseil de l’ostéopathie ;
  6. Encadrement et régulation des établissements de formation en ostéopathie ;
  7. Exercice indépendant et de première intention des ostéopathes diplômés comme partout dans le monde;
  8. Inscription de la profession au Code de la Santé Publique.

Il semble qu’aujourd’hui, sans toutefois vouloir le reconnaître, les pouvoirs publics aient pris enfin conscience de l’état désastreux dans lequel ils ont plongé cette profession de santé. Mais n’est-il pas trop tard ! Le député Bernard Debré est l’un des rares à avoir enfin compris et a acquis toute la lucidité nécessaire à l’évolution désormais obligatoire de la formation en ostéopathie pour combler le retard inacceptable par rapport à tous les pays qui ont reconnu cette profession et ce, malgré les pressions de professions déjà existantes, dans le seul intérêt de la qualité et de la sécurité des soins ainsi que dans l’intérêt supérieur du patient qui devrait être le seul et unique credo de toutes les professions de santé françaises. Aura-t-il la possibilité d’aller au bout de son action dans les prochaines semaines ?

À propos de Roger Caporossi

Roger Caporossi est l’un des fondateurs de la formation supérieure en ostéopathie en France et dans d’autres pays européens. Il œuvre depuis maintenant plus de 20 ans, aux côtés d’autres ostéopathes, pour faire en sorte qu’un enseignement supérieur français du plus haut niveau devienne une référence au niveau européen. Il est, à ce titre, l’auteur du Rapport sur l’Ostéopathie française européenne remis par la profession en 1994 au Professeur Guy Nicolas, Président du Haut Comité Médical et du Rapport sur la formation française en Ostéopathie remis par la profession à Bernard Kouchner, Ministre de la Santé et à Monsieur Jack Lang, Ministre de l’Education Nationale en 2000. Roger Caporossi a contribué largement à l’élaboration du « Référentiel Profession Ostéopathe », unique cahier des charges de la formation nationale française en ostéopathie, remis par la Collégiale Académique de France, au Professeur Guy Mattei, Ministre de la Santé et de la Famille en 2003.

Roger Caporossi est Vice-Président du Syndicat National de l’Enseignement Supérieur en Ostéopathie (SNESO), membre de la Société Française de Posturologie - Paris depuis 20 ans et il a également occupé les fonctions de Vice Président de la Collégiale Académique de France (1997 - 2005) et Président de la Commission Consultative Nationale pour l’Enseignement et la Recherche auprès du Conseil National Consultatif de l’Ostéopathie - France (2000 - 2005). En 1990, il a fondé l’Ecole Supérieure d’Ostéopathie (ESO) - Paris et il est depuis le Directeur de cet établissement de renommée internationale.

Professeur d’ostéopathie et fondateur d’écoles en Italie, Espagne, Lettonie, Russie ou France, son expertise est reconnue au niveau international : Roger Caporossi est Conseiller Technique auprès de la Société Internationale d’Ostéopathie de Genève depuis 1990, membre de l’American Academy of Osteopathy depuis 1998, de la Société Italienne de Posture et d’Orthodontie (Naples) depuis 1999 et membre fondateur de l’Organisation Mondiale de la Santé Ostéopathique (WOHO) à Londres en 2002.

Egalement auteur de 2 livres de référence sur l’Ostéopathie et de dizaines de publications et communications scientifiques, il a reçu plusieurs fois le titre de Doctor « Honoris Causa » décerné par des établissements étrangers d’enseignement supérieur: l’Institut Italien d’Ostéopathie - Milan (Italie) en 1995, l’Université de Cambridge (Grande-Bretagne) en 2003.

À propos du SNESO

Le Syndicat National de l’Enseignement Supérieur en Ostéopathie (SNESO) regroupe les établissements d’enseignement supérieur en ostéopathie qualifiés de l’appellation « écoles historiques » par la profession. Il compte à l’heure actuelle 6 membres: le Centre International D’Ostéopathie – CIDO Saint-Étienne, le Collège Ostéopathique de Provence – COP Marseille, l’Ecole Supérieure d’Ostéopathie - ESO Paris, l’Institut des Hautes Etudes Ostéopathiques - IdHEO NANTES, l’Institut Supérieur d’Ostéopathie Lyon - ISOstéo Lyon et l’Institut Toulousain d’Ostéopathie – ITO Toulouse. Ces établissements garantissent: une formation de 4 300 heures au moins, répondant aux recommandations de l'OMS; un enseignement et une formation clinique certifiés aux normes internationales ISO 9001; un diplôme d'ostéopathe inscrit au Répertoire National des Certifications Professionnelles niveau I; des effectifs d’étudiants en cohérence avec la capacité pédagogique de l'école; un encadrement des cours pratiques et des consultations cliniques par des ostéopathes confirmés; un nombre suffisant de traitements ostéopathiques pratiqués par chaque étudiant avant l’obtention de leur diplôme final; un enseignement proposé dans la cadre de le Charte universitaire Erasmus. www.sneso.fr


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