altMadame la coordinatrice nationale, Ernestine RONAI, Mesdames, messieurs les référents urgentistes, Cher Patrick PELLOUX,

Je suis heureuse de vous voir si nombreux ce matin pour cette première journée de formation pour les référents « violences » aux urgences. Parce que la lutte contre les violences faites aux femmes est avant tout une mobilisation collective.

Les chiffres sont effrayants. Chaque jour, en moyenne, 220 femmes sont victimes de viol ou tentative de viol. Chaque année, plus de 200 000 femmes sont victimes de violences conjugales, qu’elles soient physiques ou sexuelles. Trop souvent, la société les assimile à des cas isolés, restreints à la sphère privée, à des « drames conjugaux ». La réalité, c’est que ces violences constituent un fait politique et social. Il est le symbole le plus brutal de l’inégalité persistante entre les femmes et les hommes. Il n’épargne aucun milieu, aucun territoire, aucune génération.

Ces violences constituent un enjeu majeur de santé publique. Elles portent atteinte à la santé physique, psychologique, reproductive et périnatale des victimes. Elles augmentent le risque de développer des maladies chroniques et des symptômes liés à un état de stress post-traumatique. L’Organisation mondiale de la santé estime que les femmes victimes de violences perdent entre 1 et 4 années de vie en bonne santé.

Cette réalité appelle une mobilisation totale. Depuis 2012, le Gouvernement a fait de la lutte contre les violences faites aux femmes l’une de ses grandes priorités. Le 4e plan interministériel de prévention et de lutte contre les violences faites aux femmes (2014-2016) a constitué une étape majeure. Pour améliorer la prise en charge des victimes de violences, ce plan prévoyait, parmi d’autres mesures, de renforcer la formation des professionnels pour mieux repérer, mieux prendre en charge et mieux orienter les femmes victimes de violences.

1. Si nous voulons atteindre nos objectifs, tous les professionnels de santé, acteurs indispensables dans le parcours de sortie des violences, doivent être mobilisés.

Parce que la première personne vers laquelle se tournent le plus souvent les femmes victimes de violences, c’est le professionnel de santé, en ville ou à l’hôpital. Cela nous donne une grande responsabilité. Ce premier contact est essentiel. Essentiel pour recevoir les soins adaptés bien sûr, essentiel pour révéler les faits aussi, essentiel pour entamer un travail de résilience. Les femmes savent qu’elles peuvent parler en toute sécurité au professionnel de santé, garant du secret médical.

C’est pourquoi dès 2013, j’ai fait le choix d’intégrer ce sujet à la formation initiale des étudiants en médecine. L’examen classant national pour l’accès au 3ème cycle intègre désormais un item « violences sexuelles ». De même, ce thème est l’une des orientations prioritaires pour des programmes de développement professionnel continu des professionnels de santé. Le diplôme d’Etat de sage-femme prévoit également des objectifs en termes de prévention, de diagnostic et d’épidémiologie des violences faites aux femmes.

Au-delà de la formation, il était nécessaire de donner aux professionnels les outils nécessaires : c’est ce qu’a permis la mission interministérielle pour la protection des femmes victimes de violences et la lutte contre la traite des êtres humains (MIPROF). Des outils pédagogiques très concrets – des fiches, des mémentos, des supports audiovisuels - sont facilement disponibles. Quatre kits de formation spécifique pour certaines professions ont été élaborés. Le kit « Anna », par exemple, encourage le questionnement systématique par les médecins et le kit « Elisa », destiné aux sages-femmes, traite des violences sexuelles au moment de la grossesse, période à risque pouvant générer des violences dans le couple. Ces outils ont permis la sensibilisation de très nombreux professionnels.

Je sais que les ordres professionnels sont très impliqués pour créer une culture commune et des réflexes partagés, pour mieux accompagner les femmes, les protéger et répondre à leurs craintes. Je veux les remercier pour cet investissement.

2. Parmi les professionnels de santé, les urgentistes, qui sont souvent les premiers en contact avec les femmes victimes de violence, ont un rôle décisif à jouer.

Nous savons que la plupart des femmes victimes de violences se présentent aux urgences, appellent le SAMU ou les pompiers. Les urgentistes sont donc les premiers professionnels de santé à pouvoir repérer les violences. C’est pourquoi j’ai pris deux mesures fortes pour renforcer spécifiquement la formation des urgentistes.

Tout d’abord, j’ai souhaité qu’un référent « violences faites aux femmes », spécialement formé, soit nommé dans chaque service d'urgences. Ces référents, c’est vous. Vous êtes déjà 539 référents urgence à avoir été désignés et je souhaite que nos efforts permettent que chaque service d’urgence dispose d’un référent lors de notre prochaine rencontre. C’est l’objectif que j’ai donné aux agences régionales de santé (ARS).

Vous toutes et tous êtes investis d’une immense responsabilité et je veux vous renouveler ce matin mes remerciements et mon soutien. Vos missions sont importantes : sensibiliser et former vos collègues, organiser les conditions de prises en charge, ou encore identifier les acteurs internes et externes à vos établissements pouvant contribuer à une meilleure prise en charge globale. Je sais que ce travail est considérable mais je sais aussi pouvoir compter sur vous pour remplir cette mission.

Pour vous aider à y parvenir, j’ai souhaité que chaque urgentiste dispose d'un kit spécifique de prise en charge. Ce kit, qui vous sera remis dès aujourd’hui par la MIPROF, contient une « fiche réflexe » pour répondre concrètement aux questions les plus fréquentes que vous vous posez pour mieux prendre en charge, mieux informer et mieux orienter les victimes.

La formation à laquelle vous participez aujourd’hui incarne un mouvement qui doit se généraliser. Demain, vous serez à votre tour passeurs de ce message, et formateurs dans vos établissements, auprès de vos collègues. Chaque urgentiste devra s’approprier ces outils, votre rôle sera déterminant pour cela.

3. Meilleur accompagnement des victimes de violences, renforcement de la formation de tous les professionnels de santé, notamment des urgentistes : les avancées que nous avons permises depuis 2012 sont importantes. Nous devons aller plus loin encore.

Le prochain plan interministériel de prévention et de lutte contre les violences faites aux femmes sera préparé sur la base de l’évaluation du précédent et je souhaite qu’il nous permette d’avancer sur trois chantiers.

• D’abord, élargir la formation sur les violences faites aux femmes à d’autres professions de santé.

Je pense notamment aux chirurgiens-dentistes, aux infirmiers et aux masseurs kinésithérapeutes. La MIPROF travaille en ce sens et je salue le travail qu’elle mène avec

les ordres dont la mobilisation est primordiale. Je pense aussi aux travailleurs sociaux dont les missions les amènent à être confrontés à des situations difficiles et qui doivent pouvoir bénéficier d’outils adaptés.

• Ensuite, je veux que nous progressions sur la prise en charge psychologique
des femmes victimes de violences.

Les violences ont un impact considérable sur la santé psychique et le développement de comportements à risque chez la victime. C’est pourquoi je souhaite que ce sujet soit abordé dans le cadre du conseil national de la santé mentale que j’installerai à la rentrée. Nous devons augmenter le nombre de structures pour accompagner psychologiquement les femmes victimes par des équipes formées à ce type de psycho- traumatisme. Nous devons également privilégier l’unité de lieu, du soin à la pris en charge psychologique.

• Enfin, il y a un enjeu que je considère particulièrement essentiel : celui des preuves.

J’ai la conviction que le système actuel n’est pas adapté. Il doit être repensé dans l’intérêt des femmes victimes. Aujourd’hui, une femme qui souhaiterait obtenir davantage qu’un constat d’incapacité temporaire de travail (ITT) ne peut le faire qu’après avoir déposé plainte, au sein d’une unité médico-judiciaire (UMJ). Le sujet est complexe je ne le nie pas, mais la facilitation des constats qui pourront servir de preuves judiciaires par la suite est un enjeu majeur pour les victimes qui ont besoin de temps, de calme, de recul pour décider d’engager une procédure à l’encontre de leur agresseur. Je ne peux accepter que la seule voie soit de dire : « portez plainte maintenant sinon votre agresseur n’aura aucun compte à rendre à la justice ». Nous devons prendre en compte l’emprise et la domination auxquelles ces femmes peuvent être soumises et leur donner du temps, sans mettre en péril leurs chances d’être reconnues victimes par la justice. Du temps pour réaliser, du temps pour être écoutées, du temps pour parler, du temps pour décider.

Nous devons donc trouver les moyens adaptés pour permettre le recueil des preuves des violences, en l’absence de plainte, et leur conservation pendant une période raisonnable afin de laisser aux victimes le temps de porter plainte. Le rapport de Marie FONTANEL, Patrick PELLOUX et Annie SOUSSY, que je remercie pour leur travail propose notamment de permettre des prélèvements sur des victimes de viol en l’absence de plainte. Des initiatives locales existent d’ores et déjà au sein d’UMJ pour encourager l’accueil de femmes victimes de violences sans faire du dépôt de plainte un préalable et  je souhaite qu’une évaluation soit menée afin d’en tirer les conclusions nécessaires et que d’autres dispositifs puissent parallèlement être étudiés.

Mesdames, messieurs,

L’ampleur des violences faites aux femmes nous oblige à agir, collectivement. Elle implique la mobilisation des pouvoirs publics et des professionnels de santé. Elle implique un travail essentiel de coopération entre les systèmes de secours, de santé, de police et de justice. Elle implique également la mobilisation des associations dont je veux saluer l’investissement sur le terrain pour épauler les victimes, les informer sur leurs droits et les accompagner dans des démarches souvent complexes. Elle implique, enfin, la mobilisation de la société tout entière pour faire évoluer les mentalités, les représentations et les comportements ; pour briser le silence et faire progresser, partout, l’égalité entre les femmes et les hommes.

Je vous remercie.

Seul le prononcé fait foi

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