altLors de sa réunion mensuelle, qui s’est tenue du 4 au 8 juillet à Londres, le Comité pour l’Evaluation des Risques en matière de Pharmacovigilance (PRAC) de l’Agence européenne des médicaments (EMA) a démarré trois procédures d’arbitrage concernant les rétinoïdes, les facteurs VIII recombinants ou dérivés du plasma et le paracétamol. Il a étendu l’arbitrage concernant les médicaments contenant de la canaglifozine à ceux contenant de la dapaglifozine et de l’empaglifozine et a finalisé la réévaluation de Zydelig (idélalisib).

Démarrage d’un arbitrage concernant les spécialités de la classe des rétinoïdes (toutes indications)

Les spécialités à base de rétinoïde sont disponibles sous forme orale ou topique et font l’objet d’AMM en procédures national es ou centralisées. Leurs indications sont variées en dermatologie, dans le traitement notamment de l’acné ou du psoriasis, ou en cancérologie (leucémie promyélocytaire). Les principes actifs sont les suivants : acitrétine, adapalène, alitrétoine, bexarotène, isotrétinoïne, tazarotene, trétinoïne.

L’effet tératogène des rétinoïdes par voie orale est connu. La grossesse est une contre-indication absolue des rétinoïdes par voie orale. Un arbitrage en 2003 pour l’isotrétinoine a conduit à la mise en place d’un plan de prévention des grossesses (PPP) dans l’UE. Par la suite, un PPP a été aussi mis en place pour les autres rétinoïdes indiqués en dermatologie.

En janvier 2016, lors de l’évaluation du PSUR, le PRAC a revu l’efficacité du PPP de l’isotrétinoïne orale et a relevé des incohérences concernant notamment les informations délivrées en matière de contraception, avec des différences selon les génériques. Une analyse récente des données d'efficacité des PPP a soulevé des préoccupations au sujet du suivi des PPP dans la pratique et un manque de cohérence des informations au niveau européen. Des préoccupations autour des mesures mises en place pour réduire le risque d'exposition pendant la grossesse ont également été soulevées à l'égard des rétinoïdes utilisées en topique.

Des signaux concernant le risque de troubles neuropsychiatriques avec les rétinoïdes ont été rapportés, mettant en évidence la nécessité d'un suivi des patients. Néanmoins, bien que soumis à un examen par les Etats Membres, ce risque n'a pas fait l'objet d'une analyse formelle au niveau européen depuis 2006. Il paraît donc nécessaire de déterminer les mises en garde et les mesures additionnelles de réduction des risques adéquates.

Le PRAC a par conséquent estimé nécessaire de revoir les mesures de minimisation des risques pour les rétinoïdes par voie topique ou orale pour assurer que le risque tératogène et les troubles psychiatriques sont mentionnés de façon homogène dans le résumé des caractéristiques du produit et les packagings.

Sur ces bases, le Royaume-Uni a demandé au PRAC de lancer un arbitrage (article 31 de la directive 2001/83/EC). Cet arbitrage portera sur les rétinoïdes utilisés en dermatologie et en cancérologie. Une liste de questions pour l’ensemble des titulaires d’AMM a été adoptée par le PRAC en juillet et une prochaine discussion est programmée en octobre.

Evaluation du risque de développement d’anticorps inhibiteurs chez les patients naïfs traités par facteurs VIII recombinants ou dérivés du plasma

En juillet 2016, suite à la demande du Paul-Ehrlich-Institute (PEI), le PRAC a initié une procédure selon l’article 31 de la Directive 2001/83/EC pour évaluer le risque de développement d’inhibiteurs chez les patients hémophiles A naïfs initiant un traitement par facteurs VIII de la coagulation recombinants ou dérivés du plasma.

Le développement d’anticorps dirigés contre le facteur VIII fait augmenter le risque de saignement, et est un effet indésirable déjà identifié avec les facteurs de coagulation. Le démarrage de cette évaluation européenne fait suite aux résultats d’une récente publication qui suggèrent que le développement d’anticorps inhibiteurs serait plus fréquent, chez des patients naïfs, avec les facteurs VIII recombinants qu’avec les facteurs VIII dérivés du plasma[1] . Le rapporteur et le co-rapporteur pour cette procédure sont respectivement le Royaume-Uni et l’Allemagne.

Paracétamol à libération modifiée et prolongée (comprimés) et risque de surdosage

Suite à un signal lancé par la Suède concernant des difficultés dans la gestion des intoxications par médicaments contenant du paracétamol à libération modifiée et prolongée (formes comprimés), le PRAC a initié, lors de sa session de juillet 2016, une procédure de saisine communautaire selon l’article 31 de la Directive 2001/83/EC afin évaluer au niveau Européen les données disponibles et déterminer comment minimiser le risque de surdosage avec ce type de médicament. Une prochaine discussion est fixée au PRAC d’octobre 2016.

Bien que des spécialités à base de paracétamol à libération modifiée et prolongée soient disponibles dans certains états membres Européens (en procédure nationale), de tels produits ne bénéficient pas d’Autorisations de Mise sur le Marché en France.

Canaglifozin, dapaglifozine, empaglifozine et risque d’amputation des membres inférieurs

La canaglifozine, la dapaglifozine et l’empaglifozine sont des inhibiteurs du co-transporteur sodium – glucose de type 2 (SGLT2). Ces médicaments sont indiqués par voie orale chez les adultes atteints de diabète de type 2 lorsqu'un régime alimentaire et l'exercice physique seuls ne permettent pas d'obtenir un contrôle glycémique adéquat. Ces médicaments sont autorisés en Europe depuis 2012, cependant, aucune glifozine n’est commercialisée en France.

En avril 2016, le PRAC, à la demande de la Commission européenne, a initié une évaluation européenne (arbitrage) du risque d’amputations des membres inférieurs pour la canagliflozine (Invokana®, Vokanamet®), en raison d’une augmentation deux fois plus importante du nombre d’amputations (notamment des orteils) chez les patients traités par canagliflozine en comparaison aux patients du groupe placebo, dans un essai clinique en cours (essai CANVAS).

Une lettre aux professionnels de santé a été envoyée début mai par le laboratoire dans les pays qui commercialisent au moins un médicament de la classe.

Dans le cadre de cette procédure d’arbitrage concernant la canaglifozine, le PRAC a décidé en juillet 2016 d’étendre la réévaluation européenne (article 20) aux autres médicaments de la classe des inhibiteurs du SGLT2 (dapaglifozine et empaglifozine), considérant que:

  • tous les inhibiteurs du SGLT2 partageant le même mécanisme d’action, un effet de classe ne pouvait être exclu,
  • le mécanisme pouvant expliquer un éventuel risque d’amputation de membre inférieur n’était pas connu actuellement.

Ainsi, une revue des données disponibles sur le risque d’amputation, le mécanisme d’action potentiel à l’origine de ces amputations ainsi que leur impact sur le rapport bénéfice-risque des médicaments à base d’inhibiteur du SGLT2 sera discutée au PRAC d’octobre 2016.

Finalisation de la réévaluation du rapport bénéfice/risque de ZYDELIG (idélalisib)

ZYDELIG (idélalisib) est un médicament anti-cancéreux bénéficiant d’une autorisation de mise sur le marché centralisée depuis 2014. Il est indiqué en association au rituximab pour le traitement de patients adultes atteints de leucémie lymphoïde chronique (LLC) ayant reçu au moins un traitement antérieur ou comme traitement de première intention chez les patients présentant une délétion 17p ou une mutation TP53 et pour lesquels une chimio-immunothérapie n’est pas appropriée. ZYDELIG est également indiqué en monothérapie pour le traitement de patients adultes atteints de lymphome folliculaire (LF) réfractaire à deux lignes de traitement antérieures.

A la suite de l’observation dans trois essais cliniques d’une augmentation de la mortalité, principalement pour cause d’infections à type de pneumonie à pneumocytis et d’infection par le CMV, et de l’incidence des événements indésirables graves dans les 6 premiers mois de traitement chez les patients traités par idélalisib comparativement aux patients du groupe contrôle, le laboratoire a décidé d’arrêter prématurément quatre essais cliniques de phase 3 et un essai clinique de phase 2 actuellement en cours dans le traitement de la leucémie lymphoïde chronique en 1ère ligne et dans le lymphome non hodgkinien indolent et le lymphome lymphocytaire en 2ème ligne. Les investigateurs de tous les essais cliniques en cours impliquant ZYDELIG en ont été informés.

Au vu de ces données récentes, et bien qu’elles soient en relation avec des utilisations non autorisées en Europe à ce jour, le PRAC a débuté, à l’initiative de la Commission européenne (article 20), une revue des données disponibles afin d’évaluer si celles-ci ont un impact sur le rapport bénéfice/risque de ZYDELIG dans ses indications actuelles. Le rapporteur et le co-rapporteur désignés pour cet arbitrage sont le Royaume-Uni et la Suède. Dans l’attente des conclusions de cette revue, et à titre de précaution, le PRAC a recommandé en mars 2016 lors du démarrage de l’arbitrage la mise en place immédiate de mesures complémentaires (voir point d’information du mois de mars 2016).

En juillet, le PRAC a adopté les recommandations finales suivantes :

  • le rapport bénéfice/risque de l’idélalisib demeure favorable dans le traitement de la LLC et du lymphome folliculaire. Le PRAC confirme cependant le risque d’infections graves, en particulier à type de pneumonie à pneumocytis.
  • le maintien de la recommandation d’une prophylaxie contre les infections à Pneumoncystis jirovecii durant tout le traitement par l’idélalisib (et jusqu’à 2 à 6 mois après arrêt du traitement), et la surveillance de la numération formule sanguine afin de surveiller l’apparition d’une infection. Zydelig ne doit pas être initié chez les patients avec une infection généralisée.
  • Zydelig peut de nouveau être initié chez des patients atteints de LLC et présentant une délétion 17p ou une mutation TP53, en cas d’absence d’alternative thérapeutique.

L’ensemble des recommandations du PRAC seront présentées au CHMP du mois de juillet pour adoption finale. Une lettre aux prescripteurs à destination des cancérologues, hématologues et pharmaciens hospitaliers va être diffusée dans les différents Etats Membres.

Lire aussi

[1] Peyvandi F, Mannucci PM, Garagiola I, et al. A Randomized Trial of Factor VIII and Neutralizing Antibodies in Hemophilia A. The New England journal of medicine 2016;374(21):2054-64.

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