altIntervention de Marisol Touraine

Madame la Directrice Générale de l‘Offre de Soins ; Mesdames, Messieurs les représentants des ordres professionnels ; Mesdames, Messieurs les représentants des organisations syndicales ; Mesdames, Messieurs les représentants des étudiants en santé ; Mesdames, Messieurs les représentants des associations de professionnels ; Mesdames, messieurs,

Le 5 décembre dernier, je fixais le cadre d’une étape importante dans l’amélioration de la qualité de vie au travail des professionnels de santé.

« Prendre soin de ceux qui nous soignent », telle est la philosophie de cette stratégie nationale qui vise à mieux reconnaitre l’engagement des professionnels de santé, qui relèvent les grands défis auxquels notre système de santé est confronté. Pour nous donner les moyens de cette ambition, nous avançons avec une méthode claire : la co-construction. Cette stratégie nationale a été participative dans sa préparation, elle l’est aussi dans son déploiement.

Pour la première fois, la qualité de vie au travail est identifiée comme un objectif à part entière de notre système de santé. Des mesures visant à améliorer concrètement l’environnement et les conditions de travail des professionnels, à mieux prévenir les risques psycho-sociaux, ont été engagées.

Le premier volet de cette stratégie présenté en décembre, concerne les professionnels exerçant dans les établissements de santé ou médico-sociaux.

Je veux aujourd’hui vous présenter le second volet de cette stratégie, consacré aux professionnels exerçant en ambulatoire. J’y attache la même importance qu’au précédent. Les professionnels qui exercent en ville sont des acteurs incontournables de la transformation de notre système de santé, leur responsabilité dans le déploiement de politiques de prévention et dans l’accompagnement du virage ambulatoire est majeure. Leur rôle dans le maintien du lien social l’est tout autant.

Les professionnels en ambulatoire, qui représentent 95% des libéraux, ont des attentes, des inquiétudes, qui sont légitimes et qu’il faut entendre. Au premier rang d’entre elles, il y a celle de disposer de conditions d’exercice permettant de travailler sereinement, en toute sécurité et sans épuisement psychologique.

Nous ne partons évidemment pas d’une page blanche : de nombreuses initiatives ont déjà montré la voie, je pense par exemple aux conventions « santé-sécurité-justice », aux observatoires de sécurité mis en place par les ordres professionnels, à l’Observatoire National des Violences en milieu de Santé (ONVS), géré par la Direction Générale de l’Offre de Soins (DGOS), ainsi qu’à l’ensemble des associations qui prennent en charge ou accompagnent des professionnels de santé en souffrance.

Les initiatives sont nombreuses, parfois éparpillées, ou insuffisamment connues : l’objectif de la stratégie nationale est de leur donner un cadre, de les valoriser, de partager de nouvelles solutions, et de généraliser ces bonnes pratiques.

Ce volet ambulatoire de la stratégie nationale d’amélioration de la qualité de vie au travail s’inscrit dans la dynamique engagée depuis décembre, en intégrant pleinement les spécificités de ce type d’exercice. L’exercice de la santé se modifie sous le virage ambulatoire. Cela peut provoquer des inquiétudes, voire des difficultés qui ne s’expriment pas de la même manière en ville et à l’hôpital. De même les enjeux de sécurité se posent partout, mais de manière différente. Enfin l’isolement représente un défi particulier.

Trois axes prioritaires sont définis.

1. D’abord, je veux que l’amélioration des conditions d’exercice en ambulatoire devienne un objectif essentiel de notre système de santé

Pour que chacun s’empare de ce sujet fondamental, je m’étais engagée à mettre en place une gouvernance nationale pour promouvoir, suivre et rendre compte de cette démarche.

Conformément à ce que j’ai annoncé, une mission de pilotage de la stratégie nationale s’est mise en place, confié à Magali Eymery.

De la même façon j’ai confié une médiation nationale à Edouard Couty. La dynamique est engagée, l’ensemble des acteurs sont autour de la table.

Un observatoire national de la qualité de vie au travail et des risques psychosociaux des professionnels de santé est créé. Avec les différents ordres professionnels, les experts, les chercheurs, il proposera des orientations stratégiques et participera au recueil des expérimentations et des bonnes pratiques pour renforcer une approche collective, partagée et pluri-professionnelle de l’exercice en ambulatoire.

Au-delà de cette Gouvernance nationale, je souhaite que l’amélioration des conditions d’exercice se traduise concrètement dans nos territoires, en poursuivant le soutien au développement de l’exercice coordonné.

Nous savons combien le travail en équipe est déterminant pour rompre l’isolement et favoriser la qualité de vie au travail. Avec le Pacte Territoire Santé, une dynamique a été impulsée sur le terrain : les maisons de santé pluri-professionnelles se multiplient partout dans les territoires. Les communautés professionnelles territoriales de santé créées par la loi de modernisation de notre système de santé, permettent aux professionnels d’un même territoire de se réunir pour faire aboutir leurs propres projets et faire émerger des dynamiques.

Mais encore beaucoup de professionnels travaillent dans des cabinets isolés. Les plateformes territoriales d’appui offrent un soutien innovant pour les situations les plus complexes à travers un guichet unique.

Les stages ambulatoires étudiants sont un facteur d’installation des jeunes professionnels et valorisent la qualité de vie au travail.

Le développement des nouveaux moyens d’échanges et de partage d’information, comme la messagerie sécurisée de santé (MSS), la télémédecine ou les outils de coordination développés dans le cadre des territoires santé numérique favorisent la communication des professionnels avec les établissements.

Faire de l’amélioration des conditions d’exercice un objectif prioritaire du système de santé passe aussi par le renforcement de la formation. Je souhaite donc que toutes les formations initiales médicales et paramédicales intègrent désormais un module dédié aux risques psychosociaux et à la qualité de vie au travail.

L’objectif est clair : il s’agit, dès les études, par une formation adaptéen de contribuer au développement de bonnes pratiques et de favoriser le bien-être au travail pendant toute la carrière. Former les étudiants à la gestion du stress, aux risques spécifiques de leur future profession, les informer des mesures qui leur sont offertes pour les prévenir, cela doit devenir une évidence.

J’ai donc donc le ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche pour avancer dans cette voie. Par ailleurs je vais charger l’Agence Nationale du Développement Professionnel Continu (DPC) d’intégrer des formations adaptées sur les mesures de sécurité à appliquer dans sa pratique professionnelle, la gestion des situations de tension, la résolution non violente des conflits, ainsi que sur la prévention, la détection et la prise en charge de l’épuisement professionnel.

Enfin, je veux améliorer la prévention et le suivi médical des professionnels de santé de manière adaptée à leur exercice.

Je fixe donc un objectif : que l’ensemble des professionnels de santé puissent bénéficier d’un suivi médical. Aujourd’hui, c’est encore trop rarement le cas, en particulier pour les médecins. L’auto- diagnostic et l’auto-médication ne peuvent être une solution. Je sais qu’une initiative a été prise pour inciter les professionnels médicaux à se doter d’un médecin traitant, et je soutiens cette démarche, qui s’inscrit dans la perspective que je souhaite valoriser pour l’ensemble des soignants.

Des initiatives ont été prises par certains centres d’examens de santé qui offrent un accueil spécifique pour les médecins en proposant un numéro de téléphone unique, des plages horaires de rendez-vous adaptées, ainsi qu’un examen de santé complet et gratuit, en toute confidentialité. J’ai demandé à l’Assurance Maladie d’étudier les modalités d’une extension de ce dispositif aux autres catégories de professionnels de santé, en incluant le dépistage des signes de surmenage professionnel.

2. Ensuite, et c’est le deuxième axe du plan, je veux assurer la sécurité des soignants exerçant en ambulatoire.

C’est l’une des principales attentes des professionnels de santé aujourd’hui est de travailler en sécurité. Cela devrait relever de l’évidence, et pourtant sont réels.

Que des soignants soient mis en danger dans le cadre de leur travail, c’est inacceptable et intolérable.

J’ai évoqué tout à l’heure les accords « santé-sécurité-justice » qui visent à renforcer la sécurité des professionnels. Ces dispositifs sont positifs. Ils permettent notamment la désignation d’un référent santé au sein des commissariats et des gendarmeries, la facilitation d’un dépôt de plainte en cas d’actes de malveillance ou d’agression subis dans le cadre de l’exercice professionnel, ou encore l’amélioration de l’information sur les suites données à la plainte.

Ces accords restent encore méconnus, et inégalement déployés sur le territoire : seuls 54 départements ont signé ces accords. L’objectif est leur généralisation.

Je veux donc que leur application soit suivie de près, et qu’un bilan soit réalisé. Pour cela, une conférence départementale annuelle sera mise en place. Sous l’égide du Préfet et du Directeur Général de l’Agence régionale de santé (ARS), seront conviés le procureur, les représentants de la police et de la gendarmerie nationales, les représentants des maires, les hôpitaux, les Unions Régionales des Professionnels de Santé (URPS) et les ordres des professionnels.

Cette instance sera chargée de partager un diagnostic, d’élaborer des solutions collectives adaptées et de réunir les moyens financiers et humains pour soutenir les professionnels. Le financement par le Fonds d’Intervention Régional (FIR) s’adaptera le cas échéant au diagnostic établi.

Par ailleurs j’ai demandé au Ministère de l’Intérieur de mobiliser le corps préfectoral pour délivrer à tous les professionnels de santé des conseils pratiques pour prévenir et faire face aux violences et aux incivilités.

3. Enfin, c’est le dernier axe de cette stratégie je veix améliorer la détection des risques psychosociaux et l’accompagnement des professionnels.

Pour mieux prévenir les risques psychosociaux, il faut faire tomber les tabous et libérer la parole. J’ai donc décidé d’engager une communication forte en direction des soignants sur l’épuisement professionnel et les dispositifs de soutien disponibles.

Désormais chacun doit savoir qu’il peut s’exprimer facilement, en toute liberté. Parfois, le besoin de parler de ses propres difficultés, en confidentialité, est urgent. C’est pourquoi j’ai chargé la mission nationale pour l’amélioration de la qualité de vie au travail de recenser les initiatives en termes de dispositifs d’écoute, et notamment les numéros d’appel téléphoniques.

A partir de ce recensement, un cahier des charges sera élaboré pour garantir la mise en place de dispositifs d’écoute accessibles 24h/24h et 7 jours/7, de façon gratuite et avec la garantie d’une confidentialité absolue, lorsqu’elle est souhaitée.

Ces dispositifs permettront l’orientation vers des soins adaptés par des personnels formés. Les capacités de formation spécifique de « Soins aux soignants » seront augmentées pour permettre des prises en charge de proximité.

Mesdames, messieurs,

Vous l’aurez compris, avec cette stratégie, nous franchissons une nouvelle étape au service de notre ambition d’un meilleur accompagnement des professionnels au quotidien.

Notre stratégie fait confiance au terrain, elle s’appuie sur des actions locales, sur le bon sens et les initiatives individuelles.

Cette mobilisation reste collective et engagée, je souhaite qu’elle soit pérennisée et qu’elle reçoive dans les années à venir tous les moyens nécessaires à son déploiement.

Je vous remercie.

Seul le prononcé fait foi

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